Année Sainte 2025 par le Père Jean Roudy DENOIS, psj (en mission au Canada)

par | Fév 20, 2025 | Non classé | 0 commentaires

Pour une spiritualité de l’espérance

  1. Depuis plusieurs mois, quand nous écoutons la télé, la radio ou consultons les réseaux sociaux nous avons l’impression que « tout va mal », que le monde va vers sa fin ou vers la FIN. Ce climat de peur peut nous décourager et pourrait même nous faire douter de la présence de Dieu et de la capacité de la personne humaine à vivre dans la fraternité. S’il y a un Dieu là-haut pourquoi toutes ces guerres ?

C’est au cœur de nos « ça va mal » que résonne le thème du Jubilé ordinaire de l’année 2025 : « Pèlerins d’espérance ». Ainsi, le pape François nous propose d’emprunter le chemin de l’espérance avec Dieu comme pèlerins, pèlerines capables d’aller à la rencontre de tous ceux et celles qui attendent une parole et un geste de réconfort.

Tout le monde espère. L’espérance est contenue dans le cœur de chaque personne comme un désir et une attente du bien, bien qu’en ne sachant pas de quoi demain sera fait. L’imprévisibilité de l’avenir suscite des sentiments parfois contradictoires : de la confiance à la peur, de la sérénité au découragement, de la certitude au doute. Nous rencontrons souvent des personnes découragées qui regardent l’avenir avec scepticisme et pessimisme, comme si rien ne pouvait leur apporter le bonheur. Puisse le Jubilé être pour chacun l’occasion de ranimer l’espérance1.

2. Ce Jubilé qu’on appelle aussi ‘’Année Sainte’’ est un temps favorable pour nous reconnecter avec Dieu, consolider notre foi par le Fils dans l’Esprit en solidarité avec nos frères et sœurs. « Le premier Jubilé ordinaire fut convoqué en 1300 par le Pape Boniface VIII, de la noble famille des Caetani, avec la Bulle Antiquorum Habet Fida Relatio2». Mais l’origine remonte à l’Ancien Testament : « Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé » (Lv 25,10a). Cette année 2025, Pèlerins d’espérance, nous célébrons la vingt-septième des années saintes ordinaires. C’est « une année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4, 19).

3. L’espérance est une vertu théologale, c’est-à-dire un don de Dieu. Les épîtres pauliniennes en identifient trois: la foi, l’espérance et la charité. « Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité » (1Co 13,13). « Nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père » (1Th 1,3). Les trois vertus sont toutes reliées. Pour le théologien suisse Hans Urs von Balthasar, elles « forment une unité, comme des modalités différentes selon lesquelles (on peut) rendre chrétienne une existence. Elles ne se confondent pas purement et simplement, mais elles sont indissociables3 ». Selon le Catéchisme de l’Église catholique, l’espérance est « la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit » (CÉC, no 1817).

4. Dans plusieurs écrits du Nouveau Testament, l’espérance est décrite comme une ferme assurance dans la promesse de Dieu. Elle est constante. Elle ne trompe pas. Dans la Lettre aux Romains : « Abraham… Espérant contre toute espérance, il a cru ; ainsi est-il devenu le père d’un grand nombre de nations, selon cette parole : Telle sera la descendance que tu auras ! » (Rm 4, 18). « L’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 1-2.5). Dans la Lettre aux Hébreux : « Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme » (He 6, 19). Dans la Lettre à Tite: « Nous avons l’espérance de la vie éternelle, promise depuis toujours par Dieu qui ne ment pas » (Tt 1, 2). « Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle » (Tt 3, 6-7).

L’espérance, c’est accueillir l’inattendu de Dieu dans l’ordinaire de notre vie. C’est croire que rien n’est impossible à Dieu. L’espérance nous ouvre un avenir: « Je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit le Seigneur, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance » (Jr 29, 11). L’espérance est fondée dans la foi en Dieu qui, dans l’Esprit, nous a donné le salut par le Christ. « Vous ne devez pas être abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4, 13). L’espérance procure de la joie : « Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière » (Rm 12, 12).

« Que le Dieu de l’espérance vous comble de joie et de paix dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance par la puissance de l’Esprit Saint » (Rm 15, 13). La devise de notre évêque, Monseigneur Claude Hamelin, Joie et Espérance, est tirée de ce passage de Saint Paul.

5. L’espérance n’est pas qu’un optimisme exagéré : « Oui, tout va bien… tout est beau…tout est merveilleux… il n’y a plus de difficultés… je n’ai pas besoin de faire des efforts puisque le royaume des cieux m’appartient ». C’est de la paresse, la fuite de la réalité. L’espérance, n’est pas non plus l’accomplissement de notre propre vouloir. Elle n’enlève pas les difficultés4, mais elle nous donne la capacité de les vivre autrement. Elle transcende nos souffrances pour nous remettre debout en présence de la vraie Lumière. Espérer, c’est aussi se donner des stratégies de « recherche du possible dans le difficile de la vie5. » Espérer, c’est croire continuellement à l’action salvifique de Dieu dans notre vie, fondement de notre espérance. Dieu peut tout faire sauf nous abandonner.

Dans son encyclique sur l’espérance, Spe salvi, le pape Benoît XVI, de regrettée mémoire, écrivait au numéro 31:

Dieu est le fondement de l’espérance : pas n’importe quel Dieu, mais le Dieu qui a un visage humain et qui nous a aimés jusqu’au bout, chacun de nous et l’humanité tout entière. Son Royaume n’est pas un au-delà imaginaire, situé dans un avenir qui n’arrivera jamais ; son Royaume est présent partout où il est aimé et partout où son amour nous rejoint. Seul son amour nous donne la possibilité de persévérer jour après jour avec sobriété, sans cesser d’être poussés par l’espérance, dans un monde qui est par nature imparfait […].

6. Tout au long de cette année, comme Église diocésaine, nous sommes appelés à cultiver, à témoigner et surtout à prendre soin de cette espérance qui nous habite. La tentation de tomber dans la désespérance peut nous guetter comme communauté ou individuellement. Il faut se donner des stratégies, sous la mouvance de l’Esprit Saint, pour demeurer et grandir dans l’espérance. Je vous en partage quelques-unes pour nourrir une spiritualité de l’espérance.

a.    La prière

L’espérance nous pousse à nous mettre en présence de Dieu, à chercher constamment  sa  face  dans  l’adoration,  la  célébration  des  sacrements, notamment ceux de l’eucharistie et de la pénitence et de la réconciliation. C’est un temps aussi pour développer la piété populaire, réciter le chapelet. Prier, c’est respirer la bonne odeur du Christ. Padre Pio disait : « Dans les livres nous cherchons Dieu, dans la prière nous le trouvons. La prière est la clé qui ouvre le cœur de Dieu ».

Tout au long de cette année, et si nous nous accordions le bonheur de fixer dans nos agendas bien remplis 10-15 minutes de rencontre avec le Seigneur ou de méditer tous les jours la prière du Jubilé?

b.    La lecture de la Parole de Dieu

« La Parole divine introduit chacun de nous dans un dialogue avec le Seigneur. Le Dieu qui nous parle nous apprend comment nous pouvons parler avec lui6». Il est essentiel de nous familiariser avec la Parole de Dieu. C’est pour atteindre cet objectif qu’à la suite de l’initiative du pape François d’instaurer un dimanche de la Parole en 2019, plusieurs diocèses, dont le nôtre, greffent à celui-ci une semaine7 dédiée à la méditation, à la célébration et à l’approfondissement de la Parole de Dieu dans le quotidien de nos vies. Saint Jérôme disait : « l’ignorance des Écritures, c’est l’ignorance du Christ8 ». Lire la Bible n’est pas une option facultative dans la vie des disciples-missionnaires. Personnellement, pour les fêtes de Noël, je me suis offert pour la première fois une Bible en créole, ma langue maternelle. Ça fait du bien d’entendre Dieu nous parler dans notre propre langue.

Et, si nous nous donnions comme exercice spirituel de lire un livre de la Bible, un évangile ou une des Lettres du Nouveau Testament?

c.    Le pèlerinage

« Le pèlerinage est un élément fondamental de tout événement jubilaire. Se mettre en marche est caractéristique de celui qui va à la recherche du sens de la vie9». Le but ultime de cette année, c’est la rencontre avec Jésus, marcher avec Lui. Sans Jésus notre vie n’a pas de sens. Il y a un vide. Quand Jésus n’est pas là, il manque quelque chose. Quand il est présent, nous avons de l’assurance devant les difficultés. Nous devons devenir des chercheurs, chercheuses de l’espérance. Dans notre diocèse, il y a quatre lieux qui sont désignés pour des activités tout au long de l’année10.

Et, si nous prenions le temps de les visiter individuellement ou en communauté?

d.    Des actes de solidarité fraternelle

L’espérance n’est pas une simple vertu pieuse. Elle est un appel à l’action qui nous met du côté des pauvres, nous invite à donner à manger à ceux et celles qui ont faim et à redonner de la dignité, de la fierté aux marginalisés, tout en dénonçant l’injustice. « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ […]11 ». L’espérance soutient la fraternité et la solidarité fraternelle. Elle se vit dans le quotidien, dans l’ordinaire de notre vie. Agir dans l’espérance, c’est peindre nos lieux de vie, nos communautés avec les couleurs de la justice, de la foi, de la charité, de la bonté et de la bienveillance.

Et, si nous prenions le temps de visiter des personnes seules, des Itinérants, faire du bénévolat dans des Centres ou organismes communautaires qui viennent en aide aux personnes fragilisées ou encore poser des gestes bienveillants pour la sauvegarde de notre « maison commune »?

e.    La synodalité

L’année jubilaire n’éclipse pas le synode 2024 que nous venons de vivre. « La synodalité est avant tout une disposition spirituelle, qui imprègne la vie quotidienne des baptisés et tous les aspects de la mission de l’Église12 ». Il existe un lien étroit entre le Jubilé et le synode. Tous les deux nous mettent en marche. Rappelons-nous de la définition étymologique du mot synode : du grec sunodos, faire route ensemble… marcher, cheminer ensemble. Le Jubilé a pour thème, Pèlerins d’espérance. Le pèlerin est en mouvement. Il marche avec d’autres et doit aussi tenir compte du rythme et des pas des autres. Avant de prendre la route, les pèlerins d’un même groupe décident ensemble de l’itinéraire, du nombre de kilomètres à parcourir, des temps de pauses, de l’heure et de l’endroit des rencontres pour les repas, les célébrations, le coucher et autres. Tous et toutes participent au processus et à la prise de décision. C’est ce que j’ai expérimenté l’automne dernier avec la délégation du diocèse qui a participé à la canonisation de mère Marie-Léonie Paradis à Rome. N’est-ce pas synodal? Dans une Église synodale missionnaire, peuple de Dieu en marche, ministres ordonnés, agents et agentes de pastorale laïques, bénévoles, paroissiens, paroissiennes sont appelés ensemble à être des pèlerins de l’espérance.

Et, si nous prenions le temps d’écouter et de décider avec les paroissiens, paroissiennes sur une ou deux activités pastorales à vivre autour de ce Jubilé dans les communautés paroissiales ou en lien avec les organismes du milieu?

  • Église du Québec (et par conséquent notre diocèse), nous sommes appelés à une révolution de l’espérance. Celle qui nous fait oser croire que tout n’est pas fini. Dieu est à l’œuvre. Oui, nos églises ne sont pas toutes remplies, il y a des guerres partout dans le monde (Ukraine, Russie, Israël, Palestine, Vénézuéla, l’est du Congo, Haïti, mon pays, etc.). Mais sans les oublier, mettons la lumière sur les petites pousses de l’espérance qui embellissent notre quotidien. Regardons autour de nous, sous nos fenêtres : « l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, la naissance d’un enfant, avoir son premier emploi, obtenir son permis de conduire, la Mission auprès des jeunes, des jeunes qui s’engagent dans la politique, se marier, acheter sa première maison, la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, etc. ». Les pousses sont nombreuses à l’intérieur de l’Église et dans la société civile. Il faut regarder l’avenir avec espérance. Dieu est présent au milieu de son peuple. Nous ne sommes pas au terminus de la présence de la foi au Québec13.

L’espérance est fondamentale dans le cheminement spirituel de tout disciple- missionnaire qui aspire, par la grâce, au bonheur de la vie éternelle.

Église de Saint-Jean-Longueuil que j’aime profondément, « ne te laisse pas voler l’espérance14 » ! Ne nous laissons pas voler l’espérance! Ne nous laissons pas voler l’espérance!

Jean Roudy Denois, psj

Bibliographie

1 Pape FRANÇOIS, Spes non confundit, Bulle d’indiction du Jubilé ordinaire de l’année 2025, no 1. https://www.vatican.va/content/francesco/fr/bulls/documents/20240509_spes-non- confundit_bolla-giubileo2025.html

2 L’histoire des Jubilés, https://www.vatican.va/jubilee_2000/docs/documents/ju_documents_17-feb- 1997_history_fr.html

3 Hans Urs von BALTHASAR, Les vertus théologales sont une dans : « L’espérance », Communio, juillet-août 1984, p.10-20.

4 Voir Élaine CHAMPAGNE, (dir), Temps de crise, Temps d’espérance? Une Église en pleine traversée.

Montréal, Médiaspaul, 2011, p. 117-159.

5 Yvon MÉTRAS, Pèlerins d’espérance, en plein monde. Journée pastorale, Brossard, 1er octobre 2024.

6 BENOÎT XVI, Verbum Domini, Exhortation apostolique post-synodale. Ottawa, Éditions de la CECC, 2010, no 24.

7 L’édition 2025 de la Semaine de la Parole, a lieu du 17 au 26 janvier 2025. La première remonte à 2003 dans la paroisse La Résurrection à Brossard.

8 SAINT JÉRÔME, Commentaires sur Isaïe, PL 24, 17.

9 Pape FRANÇOIS, Spes non confundit, no 5.

10 Lien pour consulter les activités diocésaines : https://sway.cloud.microsoft/COpqFRpq4BQtVGzC

11 CONCILE VATICAN II, Gadium et Spes, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce

12 Pape FRANCOIS, XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, Pour une Église synodale : communion, participation, mission, Document final, novembre 2024, no 43.

13 Voir Normand PROVENCHER, Trop tard? : L’avenir de l’Église d’ici. Ottawa, Novalis, 2002, p. 209- 221.

14 J’emprunte cette formule au pape François, Homélie pour la XXVIIIe Journée mondiale de la Jeunesse, dimanche 24 mars 2013.

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