Nous sommes heureux d’accompagner Jésus, entouré de ses apôtres, marchant en direction de Jérusalem. Quel spectacle ! Quand surgit un groupe de lépreux ! La scène devait être impressionnante de voir ces êtres s’approcher du Fils de Dieu ! Tous portaient les stigmates de la maladie : le visage à moitié rongé, les membres mutilés par ce mal dévorant. À l’époque, la lèpre était considérée comme un châtiment divin. C’est une très mauvaise idée de rendre Dieu responsable de ce mal, car en créant l’homme, Dieu avait rêvé d’un être beau, merveilleux, « à son image et ressemblance ». Ce qui défigure l’homme, c’est le péché, et c’est pourquoi la lèpre dans la Bible est l’image du péché : elle défigure l’homme, le coupe des autres et de Dieu. Ainsi, le lépreux est contraint de vivre isolé, obligé de crier : « Impur ! Impur ! », lorsqu’on s’approchait de lui. Guérir un lépreux, c’est donc bien plus que le rétablir dans sa santé : c’est le réintégrer dans la communauté, lui redonner ses droits de citoyen et sa dignité d’enfant de Dieu.
N’est-ce pas là le cœur même de la mission de Jésus ? Redonner à chacun sa dignité de fils de
Dieu, cette dignité que nous avons perdue en à cause du péché originel. Pour cela, il faut que nous lui accordions obéissance. Une seule parole de Jésus suffit pour qu’ils se trouvent purifiés. « Allez-vous montrer aux prêtres. » Ils obéissent. Comme Naaman dans la première lecture, à qui il est demandé de se laver sept fois dans le Jourdain. Pourquoi sept fois ? Il aurait suffi, pensons-nous, d’une seule immersion pour être purifié ! Mais non : il fallait plonger sept fois. Ce geste met à l’épreuve la patience et la confiance du général. Le chiffre sept, symbole de la perfection de la création, exprime la plénitude de l’action divine. Naaman renaît, avec une peau neuve, pure comme celle d’un enfant. N’est-ce pas ce que fait le baptême pour nous ? Dès le sein maternel, notre âme est entachée par le péché originel. Pour beaucoup de personnes, il ne faut pas parler du péché originel. Pourtant, cette tache qui peut être enlevée uniquement par le baptême est comme une tache que l’on trouve sur un vêtement. Quand nous recevons le baptême, on devient immaculé. Un enfant garde cette pureté pendant des années, parce qu’il ne commet pas de péché. C’est plus compliqué pour nous, les adultes. En recevant le baptême, on reçoit la foi. C’est pour cela que quand le catéchumène frappe à la porte de l’église, de l’intérieur on questionne : « Que demandez-vous ? » et lui de répondre : « La foi. » Ainsi Naaman affirme : « Désormais, je sais qu’il n’y a pas d’autre Dieu sur toute la terre que le Dieu d’Israël. » Quelle foi admirable !
Oui, la patience de Naaman a été mise à l’épreuve, mais cela a mis en lumière sa foi. Bien des fois, le Seigneur fait le même cheminement avec nous. Sa réponse face à nos demandes passe par l’épreuve, par la traversée de nuits obscures, d’incompréhensions, de souffrances. La maladie, la mort, l’injustice viennent frapper à la porte de notre vie, et nous crions : « Trop, c’est trop ! » Et souvent, nous avons raison de le dire. Mais apprenons à imiter la patience de Naaman. Celui-ci, après avoir été guéri, éprouve le besoin de remercier. Notre présence ce soir est un signe de gratitude, car la messe signifie action de grâce. De temps en temps, nous avons besoin de disséquer notre vie afin de voir les raisons pour lesquelles nous devons rendre grâce à Dieu. Croyez-moi, nous avons mille et une raisons. La preuve, nous sommes vivants ! Mais nous vivons dans un monde qui ne sait pas reconnaître le signe de Dieu. L’homme moderne croit qu’il ne doit qu’à lui-même, à ses compétences et à son travail les biens dont il regorge, et même sa vie. Il nie l’existence de la providence et il pense que tout lui est dû, à l’image des neuf lépreux de l’Évangile. Un seul revient sur ses pas pour glorifier le Seigneur, reconnaissant en lui la source de sa guérison et de tout bien. Et sans même aller voir le prêtre, il tombe aux pieds de Jésus pour le remercier. Par ce geste naturel, il est le seul à être sauvé. Écoutez Jésus : « Relève-toi et va. » Ces mots appartiennent au vocabulaire de la résurrection, et ce qui sauve cet homme, c’est d’avoir accueilli le don de Dieu. Alors accueillons tout dans notre vie comme don de Dieu et rendons grâce.
Homanès LABOCHE, prêtre de Saint-Jacques
